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Trois, c'est trop...

Publié le lundi 16 décembre 2024

Partie de la série : Société

Une personne qui se balade au hasard dans un long couloir (à une seule dimension) reviendra nécessairement à son point de départ au bout d’un moment. Une personne qui se balade au hasard dans un champ (en deux dimensions), finira par revenir à son point de départ au bout d’un moment. Mais une personne qui se balade au hasard en trois dimensions, dans un très très grand bâtiment par exemple, ne reviendra pas forcément à son point de départ…

Les lois de Newton nous permettent sans souci de prévoir la trajectoire d’une planète seule dans l’espace : elle continue sur sa lancée. Les équations qui en découlent permettent rapidement de prévoir les trajectoires de deux planètes côte à côte. À partir de trois corps en suspension, on ne sait plus vraiment prévoir. Ce problème est tellement célèbre et déroutant qu’il a donné lieu à une :trilogie entière, ensuite devenue une série.

Lorsqu’une personne souhaite profiter d’un gâteau, il n’y a pas de problème.

Lorsque deux personnes sont en compétition pour profiter d’un gâteau, ça nécessite un peu de réflexion. Mais assez vite on réalise qu’il suffit pour assurer une équité parfaite que l’une personne coupe le gâteau en deux du mieux qu’elle peut, et que l’autre choisisse.

Lorsque trois personnes souhaitent se partager un gâteau… Ça se complique.

Le changement radical de paradigme lorsqu’on passe de «2» à «3» est une curiosité scientifique qui apparaît dans une gamme de problèmes relativement divers et éloignés les uns des autres. Dans cet article, j’aimerais expliquer mes raisons de penser qu’il s’applique aussi aux relations sociales, et que toute structure sociale à plus de deux membres est à considérer avec de grandes précautions.

Je suis presque convaincu qu'il est possible de former des structures sociales composées de deux personnes, sans que personne n'ait à souffrir. Je pense en revanche (légèrement) qu'il n'est pas possible de constituer des structures sociales de 3 personnes et plus, sans que personne n'y souffre. Je n’ai pas encore trouvé de solution qui me satisfasse à ce problème, mais c’est l’un de mes grands projets !

Une structure sociale, pour moi, c'est simplement un ensemble de gens, et de modalités d'interactions répétées entre ces personnes, sur lesquelles les personnes concernées sont plus ou moins en accord.
Par exemple un couple : deux personnes, de la fidélité et des activités régulières, des projets pour l'avenir, des habitudes.
Ou bien un pays, avec des sous-structures sociales évidemment, mais aussi des coupes du monde pour renforcer le sentiment patriotique, des fêtes nationales où les gens se rassemblent, et une culture commune qui assure une familiarité entre les composantes qui ne se sont pourtant jamais rencontrées.

La raison pour laquelle je crains les structures à plus de deux personnes est décrite, de façon relativement abstraite, ici :

De nombreux critères peuvent être choisis pour caractériser un partage. Certains d'entre eux sont incompatibles, mais on peut souvent en combiner plusieurs autres. Ceux décrits ici supposent de plus que les joueurs aient les mêmes droits sur les biens à partager.

  • Un partage est :proportionnel (ou simple) s'il garantit le même résultat à chaque participant, pour sa propre évaluation. [...]

  • Un partage est :sans jalousie si nul ne désire la part reçue par un autre plus que la sienne.

  • Un partage est :exact si chaque joueur estime que tous ont reçu leur juste part, ni plus, ni moins.

  • Un partage est efficient (ou est un :optimum de Pareto) si aucun autre partage ne pourrait accroître l'avantage d'un joueur sans en léser un autre. [...]

  • Un partage est équitable (au sens économique) quand, pour son estimation, chacun des n participants a reçu un n-ième de la valeur totale du bien à partager.  [...]

    Wikipédia, Partage équitable

Pour construire une structure sociale, il faut s’accorder sur le partage des ressources, des responsabilités, des victoires, des tâches, des rôles, il faut mettre en place des règles, c'est-à-dire s’accorder sur le partage des droits et des devoirs… Et pour cela, il faut se mettre d’accord sur le principe qui régit l’équité. Lorsqu’il n’y a que deux personnes, les 5 notions ci-dessus sont compatibles, et presque toutes équivalentes. Il faut de toute évidence s’accorder pour que chacune des deux personnes aient le plus possible de ce qu’elle peut vouloir, sans que cela n’impact négativement l’autre. À partir de 3, il y a une multitude de définition de l’équité, et comment se partager les choses si l’on est pas au clair (ou pire, pas d’accord) sur la définition même de l’équité ?

À suivre…